Ben oui, cela arrive, même aux pros!
Cela arrive surtout aux pros…
Je traverse ces temps-ci des turbulences assez désagréables qui me poussent à tout remettre en question et à tout changer. On pourrait croire, que, Youpiii, on change la déco ! C’est joyeux, enthousiasmant et facile. Quelques conseils dans les magazines féminins, qui savent tout sur tout, n’est ce pas? Détachement, Yoga, méditation et ouverture des chakra et le tour est joué dans la joie et l’épanouissement (oui, la bonne humeur, ça fait plouc). En plus, il y a plein de petites entreprises éthiques par de jeunes-trentenaires-en reconversion -parce-que-leur-travail-(bien payé)-n’avait-plus-de-sens-pour-eux et qu’ils veulent « faire leur part » comme Rabhi l’a dit et proposer des produits éthiques et responsables qui vont sauver la terre et vous rendre meilleur… Si vous avez des sous à leur donner. Parce que … bon… Rabhi et l’austérité heureuse, ça va 5 mn. Après il y a les dîners (bio) en ville avec les cousins stat uper qui n’ont pas encore vu la lumière!
Je me moque.
Parce que tout ce fatras est mensonger et c’est juste du ripolinage de la société matérialiste, inégalitaire, productiviste et violente en vert bio et éthique. Du pipeau. Les trucs industriels ne se vendent plus, on va retravailler le produit en fonction de la cible pour faire acheter. Cher si possible. Et qu’en plus, cela ne marche pas.
Très honnêtement, cela m’agace autant que ces « groupes de travail pour le bonheur en entreprise » qui ne font que légitimer un harcèlement systémique hyper destructeur et violent pour humilier les gens. Vous êtes mal, c’est que vous ne savez pas gérer votre stress ou que vous êtes trop con pour comprendre les directives « bienveillantes » de votre boss. Ici, bienveillante veut dire paradoxale, donc destructeur…
Ben oui, une crise existentielle, c’est hard ! vachement !
Ça fait mal, ça bouleverse, ça angoisse. Ce n’est pas la douce pluie de Bali sur mon corps massé et détendu dans la réalisation de soi. C’est la putain de pluie glaçante du Nord, la nuit, quand tu es tout seul sur l’autoroute, coincé hors de ta voiture en panne (avec les clés à l’intérieur) perdu au milieu de nulle part et avec un téléphone cassé et des hurlements de loup qui se rapprochent, alors que des poids lourds à pleine vitesse te frôlent et t’envoient des gerbes dégueulasse d’eau bouseuse qui pue dans la figure…
Mais revenons à moi.
Mon petit moi sans importance qui s’agite dans son coin devant la bêtise et la violence généralisée de ce monde et qui n’y peut rien. Et qui a du mal à accepter son impuissance, et à comprendre une telle gabegie. C’est tellement absurde que j’ai parfois l’impression de devenir folle.
Donc moi.
Je ne sais pas si « moi » vous intéressera, mais j’écris quand même ma petite histoire personnelle de crise existentielle parce que je crois que pas mal de gens sont dans mon cas, et que cela pourra, peut être trouver des échos chez vous. Cela fait toujours du bien de réaliser qu’on n’est pas tout seul dans son merdier.
Donc moi.
Moi, un petit bébé fille qui débarque impromptu dans une famille qui s’en est trouvé bien embarrassée. C’est un euphémisme…
Ma maman ne me voulait pas, encore pire, j’étais une fille ! autant dire le mal absolu. (j’ai une maman particulièrement misogyne, pire que le pire des machos de mauvaise foi. Bien sûr en tant que femme, elle se déteste aussi… névrose névrose, quand tu nous tiens…). Comme maman est une femme d’action, elle a pensé très fort à éliminer le problème de manière particulièrement radicale… Mais bon, je suis là, elle s’est arrêtée à temps… Mais j’ai eu une sacré trouille… Depuis la mort m’accompagne comme une baby sitter fidèle. Je n’ai pas le droit de vivre.
Mon papa était bien emmerdé parce qu’il pensait quitter maman pour respirer un peu. Bing, une grossesse, coincé. Mon papa est responsable, il est resté. Autant dire que ce bébé, c’était pas un kif !
Mes frères ont été jaloux que je leur prenne leur mère, comme tous les frères. Déjà, ils devaient se la partager à deux et ce n’était pas facile, alors à trois!… Le problème a été vite réglé par ma mise à l’écart. J’étais un membre de la famille de deuxième zone. Ils ont fait bloc avec maman. Moi, je n’avais pas de place.
Il n’y a eu que mon pépé, ma grand mère et le prothésiste (mes parents étaient dentistes) qui m’ont accueillie et aimée comme on doit aimer un bébé. Juste parce qu’il est là, sans condition. Pour les autres il fallait que je mérite de vivre et de faire partie de la famille. Mais ces gens là ne vivaient pas avec nous.
Voili, voilà. J’ai grandi. toute seule, comme j’ai pu.
Je me suis forgée des croyances bien limitantes, bien nulles. Dans le genre, je ne serai jamais aimée parce que personne ne peut m’aimer. Je ne suis pas aimable. Je dois me soumettre aux hommes qui peuvent m’utiliser comme ils veulent sans rien me donner en échange. Je suis le deuxième choix, toujours, ou plutôt celle qu’on ne choisit jamais. Je n’ai pas de place dans ce monde. Invisible, inaudible, minable, inexistante…
Super joyeux.
Alors, ben, je me suis détestée, je ne me suis pas donnée de place, je me suis humiliée moi même.
Et les autres ont fait de même.
Cela dit, je ne suis pas une carpette. J’ai ma fierté quand même ! Alors, je me suis forgée un chouette faux self de fille battante, rigolote et intelligente. Surtout intelligente. Et je me suis inventée une vie de roman, à défaut de le vivre.
Mais là, ça craque. Le personnage se déglingue. Je n’y arrive plus. L’illusion, je n’y crois plus.
Mon cancer m’a donné un beau coup de pied au cul pour que j’arrête mes conneries. Que je me reconnaisse pour celle que je suis. Sauf que je me suis un peu perdue de vue. En fait, depuis toute petite, je lutte pour survivre mais je ne sais pas vivre tout simplement. J’ai une vague idée de moi, mais vraiment très floue…
Quels sont mes qualités ?
Mes talents ?
Mes forces ?
Mes désirs ?
Mes besoins ?
Mes défauts et mes manques, ça va. On me les a serinés toute ma vie. J’ai une vision assez claire.
Encore, ce ne sont peut être pas les bons. Mais ma plus grande fragilité est d’avoir besoin de l’Autre, voire de n’importe qui pour me sentir aimée… Je sais que c’est nul, mais je tombe éperdument amoureuse de n’importe quel godelureau qui me donne (ou fait semblant de me donner) un peu d’attention. Et je suis prête à le suivre au bout du monde et à sacrifier ma vie dans la minute. Ce qui en général les surprend un peu et les mets mal à l’aise (ils n’en demandaient pas tant) avant de fuir à toutes jambes.
Donc je veux changer ça. Commencer le grand ménage. Partir à la conquête de moi, me séduire et me faire confiance. Me permettre d’accueillir la vie et de m’accueillir moi même dans cette vie. Me libérer de mes peurs (vaste sujet), et de mes compulsions de dépendance affective.
Devenir libre parce que je suis moi. Et, enfin, recevoir …
Mais, mes croyances me collent à la peau, refusent de lâcher, squattent mon âme au prétexte qu’elles ont signé un bail éternel… Alors, c’est crise d’angoisse maison, terreurs, insomnies, douleurs partout et lutte pied à pied pour m’empêcher de changer…
Fatiguant
Bisous
Que de souffrances exprimées avec un style qui rend la lecture si vivante…ton style, ta force : tu racontes ton malheur et on a du plaisir à lire parce que ça sonne juste, les mots sont là!
Cela dit, sur le fond, comme m’a dit mon prof de piano quand je lui ai demandé de m’expliquer l’harmonie, « il y a du boulot! ».
Tu es sensible à toutes les injustices et la connerie humaine est infinie. Comment s’en accommoder, et se sentir heureuse? S’aimer soi-même, sans chercher la reconnaissance d’autrui. Tu es sur la bonne voie.
En suivant des aspirations profondes, ton instinct te guide vers ce qui est bon pour toi… rien à faire de ce que pensent les autres! On trouve la force de changer de vie quand on a rien à perdre… même pas peur!
Tu es toi, tu es forte, intelligente, fonce.
« à te regarder faire ils comprendront » (la phrase n’est pas de moi!)
Merci Brigitte !