Petite histoire du paléolithique.
Oui, je sais, j’aime bien cette période, mais c’est qu’elle me parait très utile dans nos temps bouleversés.
Après 30 000 ans de stabilité écologique, les hommes et les femmes du paléolithique ont dû faire face à un bouleversement radical de leurs conditions de vie. Ils sont entrés dans le mésolithique, une période d’environ 5000 ans, pas très confortable, dans laquelle ils ont dû survivre sans tout ce qui leur paraissait naturel et indispensable. Heureusement que certaines personnes ont compris les changements en cours et ont inventé d’autres façons de vivre (le néolithique), sinon, nous n’aurions pas existé. La terre ne s’en serait pas portée plus mal, remarquez… Mais il semble que nous soyons coriaces et nous avons toujours trouvé le moyen de survivre et de nous multiplier de surcroît !
Cela me fait penser à aujourd’hui…
Donc revenons à nos mammouths…
Des mammouths qui n’apprécient guère le réchauffement de l’Europe, la disparition des glaciers et des grandes plaines herbeuses dans lesquelles ils paissaient tranquillement au profit de forêts encombrantes avec leurs troncs et leurs branches et de plantes nettement moins goutues. Avant, c’était open bar, et aucun animal, ni même l’homme, n’osait attaquer ces mastodontes à la peau épaisse recouverte de fourrure impossible à transpercer (en tout cas pas avec un bout de caillou au bout d’une lance). C’était cool, mais cela devenait un peu chaud pour leur cuir poilu… Bref, les mammouths ont commencé à remonter vers le nord. Les derniers se sont retrouvés en Sibérie, où il y en a quelques spécimens congelés qui font aujourd’hui la joie des scientifiques.
Mais il n’y avait pas que des mammouths qui offraient leurs tonnes de viande fraiche ou congelée (en saison froide) aux tribus humaines. Les cerfs géants, les rhinocéros laineux, les antilopes Saïga et les rennes désertent peu à peu et remontent vers le nord ou disparaissent.
A la place, de nouvelles espèces s’installent dans des forets plus denses, les vallées sont envahies par la mer, les 4 saisons s’installent. Ces nouvelles espèces ont le mauvais goût de courir bien vite, de se cacher dans les fourrés, et surtout d’être un peu maigres avec rien à rousiguer dessus quand enfin on a réussi à en choper un exemplaire. (note de l’auteur: rousiguer est un idiome familial qui veut dire récupérer un peu de viande sur un os maigrement pourvu de chair, on rousigue l’os du gigot quand tout le monde est servi)
Bref, c’est comme passer d’un Picard approvisionné de tonnes de barbaque et ouvert 8 mois sur 12 (à peu près), dans lequel on se sert quand on veut pour gratis, à …. rien, en fait. Désormais, au lieu d’aller se servir sur la carcasse gelée, on doit courir après la bête, suer sang et eau, se prendre des branches dans la figure, viser, réussir son coup (ou pas), se battre avec les mecs de la tribu à côté qui vont prétendre qu’on est sur leur terrain de chasse, ou avec un pote qui l’a « vu en premier », « si », « non », « si », « non », (etc)… pour enfin rentrer au camp avec un truc sur lequel il y a un dé à coudre à manger (c’est pour vous donner une idée, les dés à coudre n’ayant pas été inventés… quoique…) alors qu’il y a 30 à personnes à nourrir. Malaise.
Imaginons ce jour de -15 000 ans, dans une yourte de défense de mammouth un peu défraichie (on ne trouve plus de pièces de rechange), c’est le printemps, il fait doux et les oiseaux, ces stupides animaux minuscules et difficiles à attraper (et sur lequel il n’y a pas grand chose à manger) chantent.
- Je vais chercher à manger. Femme-médecine, dis moi où les esprits t’ont dit qu’ils ont déposé l’animal ?
- Je ne sais pas trop. c’est confus.
- Avons-nous déçus les Esprits, qu’ils nous mettent à l’épreuve ? Cela fait 2 jours que nous n’avons rien mangé.
- Tu exagères, s’exclame prudemment un jeune homme occupé à tester des fruits. Ada et moi, nous avons rapporté des trucs à manger.
- Ouais ! et Umi a été malade et a tout vomi ! génial ! Tes trucs, tu te les gardes. Moi je fais comme d’habitude. Un renne ou deux doit bien se balader par là…
- Ça fait un bail qu’on n’en pas vu… dit une voix chevrotante au fond. De mon temps, c’était autre chose. Mais les jeunes sont exigeants, ils ne savent faire aucun effort! Les Esprits nous écoutaient, nous… Le reste se perd dans un murmure…
- Femme-médecine, que te disent les Esprits?
- Les choses changent…
- Oui, ça on a vu. Mais mon père, mon grand père ont toujours trouvé de la viande, j’en trouverai aussi. On n’a pas le choix. Grand chef blanc (moi) va trouver la solution.
- Ben … si, on peut faire autrement, ose le jeune boutonneux aux cheveux longs. (ce n’est pas un stéréotype, mais essayez de manger n’importe quoi dans une nature nouvelle, pour voir si c’est comestible, et vous me direz si vous finissez pas par avoir des boutons… hein ?)
- Tais-toi, espèce d’Amish ! On ne va pas revenir au Moyen-Age ! On va faire comme si rien ne change.
- Ça ne va pas marcher…
- Espèce d’écolo de mes fesses, je vais t’apprendre ! On va continuer à croire à la croissance (des gros animaux), à croire que rien ne change parce que, nous on est habitué et qu’on n’a pas le choix, et que ça nous arrange . Il suffit d’optimiser notre quête pour que les Esprits nous disent où chercher… Comme La tribu des Quatquarante de la haute colline, là bas. D’ailleurs on ne les a plus vus depuis longtemps… Vous avez des nouvelles ?
- Le dernier est mort de faim hier. Ils avaient fait des réserves de leur dernier mammouth, mais il a tout pourri avec ce temps.
- On s’en fout, suivez moi, on continue tout comme avant ! Celui qui râle et qui met un GJ, je lui enlève un œil (ou une main).
Et c’est ainsi que le premier chef et la première violence sociale de domination est née.
S’est ensuivi une période sombre de l’humanité, le mésolithique.
Parce que bien sûr, espérer un gros gibier qui n’existait plus cela ne risquait pas de nourrir qui que ce soit! Famines, concurrence (on dirait compétitivité), malnutrition, violence, vols, viols, bêtise et maladies se sont répandues sur le monde. Plus question d’art, de musique ou de philosophie, le chef, c’est celui qui tape le plus fort. Plus question d’amour non plus, c’est la brute qui choisit sa femelle, dans le clan parce qu’on aime pas les autres clans (inceste et mariages en famille, tares en pagaille), on vit dans des huttes quand on sait encore les faire (ben oui, on n’a plus le temps d’apprendre les choses aux jeunes, il faut passer tout son temps à la chasse ou à la cueillette pour survivre) , on se protège dans des cavernes malsaines. Et puis on reste sur son terrain de chasse car ailleurs fait peur… et les étrangers aussi (on leur tape dessus avant d’apprendre leur potentiel savoir, et puis parfois on les bouffe, variante, on leur prend leurs femmes encore baisables, ça romp la monotonie). C’est un gibier facile…
Le progrès est en marche: les hommes se battent pour se prendre les uns les autres les maigres ressources de la chasse, et de la pauvre cueillette de ceux qui ne partent pas chasser. La hiérarchie est apparue, non pas sur le mérite ou la sagesse, mais se fonde sur la force physique au détriment de l’intelligence. L’inégalité devient une structure sociale. Faibles, femmes, handicapés, enfants doivent se soumettre au chasseur et au guerrier, le séduire et se lier à lui pour pouvoir manger. Il faudra de longs siècles pour que l’intelligence reprenne le pouvoir et encore ce ne fut pas tout le temps…
Mais ce progrès a aussi amené la technique, qui au néolithique a permis à l’humanité de s’en sortir en créant la nourriture, puis les objets nécessaires à la vie de la communauté. L’homme a pu travailler et produire les richesses que la nature ne lui donnait plus. On a été chassé du jardin d’Eden, mais on est devenus puissants.
Et l’humanité a repris sa route. Pour le meilleur ou le pire. Ce fut notre histoire
La religion, la philosophie, la sagesse ont posé des valeurs qui ont posé des limites à cette puissance humaine pour éviter le danger de la toute-puissance. Le chevalier protégeait le faible, aimait et respectait sa dame, le religieux soignait les malades et accueillait les étrangers, le mari recréait une égalité amoureuse avec son épouse pour fonder un foyer heureux, le père éduquait ses enfants dans le respect d’eux mêmes et des autres. Pendant longtemps, il y a eu une sorte d’équilibre entre la nature et l’homme.
Beaucoup s’en foutaient, profitaient de leur domination, se permettaient violence et massacres en appliquant la loi du plus fort ou plutôt leur propre loi. Certes…
Mais globalement, on a inventé la morale pour éviter les grosses dérives. On a construit des valeurs qui ont tissé un équilibre social.
Aujourd’hui, on est arrivé au bout de ce système.
Les dominants sont arrivés à tout contrôler, y compris les institutions vecteurs de morale, de valeurs. L’individualisme et l’égoïsme se moquent des valeurs sociales. Les religions sont moquées ou versent dans l’intégrisme, la philosophie est ringarde, la sagesse est trop lente pour être utile. La pensée est devenue impossible dans un tourbillon d’accélération et de perte de repères qui nous arrache à notre humanité et à notre réel terrestre. Le langage est dévoyé, le chiffre a remplacé le mot. Or, c’est le langage qui permet l’humanité.
Et surtout, la prédation des dominants sur notre environnement terrestre a atteint les limites du supportable.
Comme les mammouths il y a 15 000 ans, ce qui nous permet de vivre, de nous nourrir et de penser à un avenir vivant pour nos enfants va disparaître. Cette manière de produire, agressive, dominatrice, égoïste et concurrentielle aboutit à la destruction de toute production. Parce que nous ne pourrons pas vivre avec une planète à 2 degrés de plus (notre flore et faune n’auront pas le temps de s’adapter, il y a 15 000 ans, cela a pris 2 000 à 3000 ans ), avec des terres asséchées et stériles à cause des intrants chimiques, des villes submergées et paupérisées, des océans vides et toxiques, des régions entières irradiées par des accidents nucléaires, des pandémies récurrentes, et j’en passe…
Certains craignent la surpopulation. Je pense que ce qui arrive va les rassurer. Des morts il y en aura !
Les dominants pensent que seuls les pauvres vont subir tout ça. Ils se trompent. Nous sommes liés dans la même humanité, ils ne pourront pas s’en extraire. Leurs enfants seront peut être les premiers à le subir car ils ne pourront prétendre à la solidarité qui, seule, sauvera les pauvres.
Car il nous faut changer. Et nous sommes en train de changer.
Renoncer à notre délire de puissance et accepter que la mondialisation est une connerie qui nous détruit. Rentable à court terme mais désastreuse à moyen et court terme. Que l’entreprise n’est pas l’alpha et l’oméga de notre monde, surtout lorsque son but n’est plus de produire et de donner du travail aux gens mais de distribuer des dividendes aux actionnaires, à n’importe quel prix.
On ne peut plus produire à des milliers de kilomètres des produits (bien souvent inutiles, en plus), on ne peut plus massacrer la terre et les animaux d’élevage avec une agro-industrie à gros rendements et qualité toxique, on ne peut plus réduire des population en esclavage (parce que c’est rentable d’avoir une main d’œuvre pas chère), on ne peut plus détruire les océans pour alimenter des poubelles de supermarchés, ou produire des plastiques qui vont finir sur le 5eme continent pour que des star uppers puissent se payer des Mazératis polluantes, on ne peut plus …
On doit changer.
On a le choix.
Arrêter de croire ces élites qui sont devenues stupides, obsédées par les profits à n’importe quel prix.
Arrêter de croire ces experts soumis aux puissants qui mentent à la demande.
Arrêter de penser que les scientifiques qu’on nous montrent à la télé ont une vraie légitimité, simplement par leur titre ronflant.
Arrêter de croire qu’il est impossible de changer et de vivre autrement. Que changer revient à vivre dans l’inconfort et la précarité, qu’on aura froid ou faim ou qu’on sera vêtu de peaux de bêtes… Au contraire, c’est ce monde de croissance, de rentabilité, de mondialisation, d’investisseurs et de multinationales qui va faire vivre 90 % de la population mondiale dans la misère. Sans les peaux de bêtes, ça, c’est réservé aux riches, friands de fourrures.
Changer, c’est au contraire, s’organiser ensemble pour vivre confortablement, dans l’entraide (tiens, j’ai plein de tomates dans mon jardin, tu en veux ?) et la solidarité (ta machine à laver a un souci, viens laver ton linge chez moi pendant que Mathias va réparer ta machine). Dans la débrouille et l’innovation (tu as vu ma nouvelles éolienne ? avec mes panneaux solaires, et l’éolienne du village, j’ai assez d’énergie pour mes appareils électriques), de la récup et de la créativité (ouais, c’est ma voiture ! j’ai enlevé le moteur thermique et Bébert m’a mis celui là, tout écolo) et profondément humain (oui, c’est Djemel et Nikita, de super artisans, ils savaient encore forger des outils, bien utile! et Paquita est une maitresse d’école géniale, avec Marius qui n’est pas mal non plus. Quant à Françoise, qui vient de Paris, elle est adorable avec Mémé Louisette et les vieux du village. Depuis que l’Ehpad a fermé, on en a créé un autre, autogéré. Il fait aussi garderie pour les petits. Ça, c’est l’école, avec un jardin et un atelier, et un espace de lecture. Là, c’est le jardin potager du quartier, et puis là, l’éolienne qui nous permet de ne pas trop consommer d’énergie nationale. Et là, ce sont les troquets, les guinguettes et les jolies boutiques où on se retrouve pour passer du bon temps et trouver ce dont on a besoin…
Et ça ?
« Ah, ça ? C’est l’ancien supermarché avec son parking. C’est devenu une salle de sport. Le parking, on a enlevé le béton (recyclé ailleurs) et on en a fait un jardin. Ben oui, il n’était plus assez rentable, alors il a fermé. On s’est retrouvé bien embêté, alors, on s’est organisé. On pouvait pas aller faire 30 km pour faire nos courses, l’essence était trop chère et rationnée! Et ça ? C’est l’atelier informatique. On recycle tout ce qui ne nous sert plus au quotidien (télé, portables, pc…) pour les remettre au poil et rester en lien avec les autres. On a eu envie de tout regrouper dans un lieu unique, comme ça on s’entraide et c’est plus sympa. Parce que le reste du temps, entre nous, on se voit tout le temps, pourquoi s’envoyer des sms ou des mails ? La télé? On n’a plus le temps avec les apéro et les fêtes, et puis, c’était devenu tellement nul… Par contre on a un ciné club et un théatre. Et un conservatoire.
Voilà, je vous laisse rêver… Au nouveau paradigme.
La vie, c’est le mouvement. Restons dans la vie. Ne choisissons pas le néo-libéralisme mortifère qui veux que rien de change… N’ayons pas peur. Nous n’avons rien à perdre.
Bises
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