Je reviens de Bretagne. 2 jours loin de Paris.
L’impression d’être libérée de prison.
Dans le petit village, le temps est redevenu normal. Les heures et les minutes coulent comme de source, nous accompagnant au fil de notre respiration.
Là, nous sommes vivants, réels. Le vent, la pluie, le soleil nous rencontrent, nous bousculent, nous caressent, nous enveloppent, vraiment. On le sent, on le ressent. Cela fait du bien. On a le temps pour ça, on a la place d’aller à leur rencontre, ou pas.
Là, les gens ne font pas semblant, ils sont vrais et ne cherchent pas à faire semblant de vivre, ils sont, simplement. On sent bien que l’on existe vraiment pour eux. Ils nous donnent l’impression d’être. Être, tout simplement et nous pouvons, de ce fait, engager notre être dans une relation avec l’autre être.
Un truc de fou, une relation ! Ecouter et être écouté, regarder et être regardé, sourire, expliquer, laisser l’autre exister, exister soi-même pour l’autre et donc pour soi… wouahhhh ! Ca fait du bien! Il ya quelque chose qui, enfin, s’autorise à se déployer en soi. Pour cette aventure qu’est la vie. Avec ses rires et ses pleurs, ses joies et ses souffrances, qu’importe, c’est vivant !
Je me suis sentie vivante, capable de tous les possibles, bien, enfin avec moi-même. 2 jours…
Je n’ai pourtant rien fait d’extraordinaire, j’ai marché, regardé le ciel, acheté des livres d’occasion, un collier et une tasse, mangé une crêpe (non 3, mais sur deux repas
), discuté avec les gens, observé le ciel (il change tout le temps en Bretagne, c’est presque une activité à plein temps !;)) admiré les arbres, les fleurs, les nuages, le paysage, fermé les yeux sous le soleil, fermé mon écharpe sous la pluie glaciale et le vent non moins glacial, marché sans but, ou avec le but d’avoir un café, respiré…
Je crois que là bas, le Temps existe encore, de même que l’Espace.
Il y a encore ces repères qui permettent à l’être vivant de se sentir vivant, dans les repères normaux, dans lequel son être peut s’épanouir, exister, en sécurité. Notre être a la maîtrise de sa vie et donc se sent libre et disponible pour être en relation avec les autres, avec le monde. Il peut donc construire sa relation au monde, mettre en mouvement ses désirs profonds et personnels (sa petite musique), prendre sa place et se lier aux autres places, désirs et existences. Être soi et être tous reliés (quel que soit le lien, c’est pas toujours bisounours les liens entre les hommes), c’est ce qui permet à une vie d’avoir du sens.
Les grandes villes, en se voulant modernes, en se soumettant aux impératifs de cette « modernité » numérique, technologique, engendrant la technocratie, ont broyé le Temps et l’Espace sous prétexte de nous libérer.
Elles ont fait de nous des robots normés et soumis à leur temps et à leur espace. Les êtres sont devenus des masses, des conglomérats d’éléments isolés, soumis aux faux désirs de l’apparence et du marketing. Le numérique a tué la singularité de l’être pour pouvoir tout compter, statistiquer, ériger une fausse science qui n’est plus au service de la vérité mais qui se prend pour La seule vérité à accepter sans réserve.
Les grandes villes nous prennent notre être et nos liens avec les autres êtres. Plus rien n’a de sens.
C’était pas comme cela il y a ne serait-ce que 30 ans. J’aimais Paris alors. Qu’est ce qui a fait que cela change ? L’apparition de la troisième révolution technologique avec le numérique. Cela a tout bouleversé grâce à tout ce que cela a rendu possible pour les puissants.
Aujourd’hui, la vie à Paris a perdu beaucoup de sens. Le cadre qui donnait du sens à la vie parisienne n’existe plus.
Plus rien n’a de sens réel. Ni naître, ni grandir, ni apprendre, ni aimer, ni travailler, ni mourir. Tout est entouré d’une gangue de faux semblants qui épuise les gens. Et c’est un peu pareil pour toutes les grandes métropoles du monde me semble t’il.
Je ne parle pas ici des gens qui appartiennent à la case des Très très riches. Pour eux, la perte de sens a d’autres raisons, plus psychologiques. Non, je parle des gens normaux, la grande majorité, qui s’abrutissent dans les jobs bullshit, après des trajets désagréables (euphémisme) dans des RER bondés et puants de l’aigreur des autres, retrouvent des appartements minuscules où les meubles sont multifonctions, et où l’élément le plus indispensable de leur vie est la connection Wifi.
Nous ne sommes qu’une fourmi dans la fourmillière, obéissant aux mots d’ordre des puissants pour agir. Sous prétexte de nous faciliter la tâche, nous sommes devenus des presses boutons, des numéros, des rien-du-tout, des serviteurs de leur puissance financière. Le numérique a permis cela. Il a permis, le contrôle, la normalisation, la communication-propagande, la destruction de toutes les voix discordantes, la pensée, le sens de la vie.
Dans les grandes villes, le numérique est l’outil qui permet de tuer la relation, le temps de vivre, l’espace de respirer, en contrôlant et en obligeant les gens à se précipiter, à obéir à des impératifs perpétuellement assénés par le N+1 ou par la pub, partout, à accepter de perdre son temps dans des transports longs et déplaisants, dans lesquels la promiscuité engendre le malaise, à accepter de ne pas avoir d’espace à soi parce que c’est devenu un luxe.
Et de s’évader de ce monde monstrueux grâce aux écrans, petites musiques dans les oreillettes, petits jeux débiles sous les yeux dans la vie privée; grâce aux graphiques et reportings inutiles devant soi au bureau qui donnent l’illusion de notre propre performance dans la vie professionnelle. Les sens saturés des odeurs des autres ou des produits chimiques de la rue, des bruits technologiques, des goûts trafiqués, des sensations recréées par ordinateur, au bord de la nausée…
Je ne crois pas à l’urbanisation croissante des villes.
Les jeunes générations ressentent que quelque chose ne va pas et expérimentent autre chose. Elles partent des villes pour devenir les humains qu’ils souhaitent être. Qui va voyager et découvrir le vrai monde (au delà des écrans de instagram), qui va devenir couvreur ou charpentier, qui va créer sa ferme, qui va inventer un service, un produit dans un bled paumé…
Ils sont moins cons que nous, les vieux… aveuglés par les promesses de monde idéal du moindre effort, où tout vous est livrés sur votre canapé grâce aux commandes vocales de Adixia au autre robot numérique…
Oui, ils utilisent le numérique et bien mieux que notre génération. mais ils ne le vénèrent pas. Ils l’utilisent. Point. Et tant mieux. c’est une belle technologie. Mais qui doit rester au service de l’Homme, pas l’inverse.
Enfin, pas tous… mais je crois fermement à cette minorité agissante, c’est elle qui va sauver notre monde.
Avec l’aide de notre bonne vieille planète, qui n’a pas dit son dernier mot. La nature est puissante, elle, vraiment.
N’oublions pas l’histoire. Quand le monde européen a été trop peuplé et que les hommes ont dépassé les limites de ce que la nature pouvait leur donner dans l’état de leur techniques agricoles, quand ils ont trop déforesté, trop détruit de ressources naturelles, détruit l’équilibre, au XIVeme siècle, il y a eu la Peste noire.
Dont acte !
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