Je suis en train de lire le livre Julie & Julia de Julie Powell dont est tiré le film récemment sorti sur nos écrans. Ben oui, je ne lis pas que Stendhal … mon aura culturelle va en pâtir mais en sortant des cours de la fac je me sens totalement incapable de me plonger dans autre chose qu’une littérature légère.
Littérature qui, au demeurant a toute sa place dans le monde des livres. Le but de ceux-ci n’étant pas de rendre la vie plus agréable ? Et non pas de nous permettre d’étaler une culture frimeuse dans des soirées littéraires et mondaines parfaitement hypocrites ? En tout cas, c’est mon avis.
Il est des jours (et des mois parfois) où on a envie de laisser nos neurones les plus intelligents respirer à leur aise dans les vacances bienvenues. Il est des moments où on a envie d’oublier que de tels neurones existent parce qu’ils ont été suffisamment utilisés au travail toute la journée pour n’avoir envie de rien le soir. Il est des instants de bien être tranquille où on n’en a rien à faire de faire l’intelligent… A supposer que l’on le soit, d’abord ! Bref, je lis ce livre qui n’est certes pas la quintessence de la littérature contemporaine mais qui me divertit et je ne lui demande rien de plus. J’adore, même…
Mais là, je suis un peu agacée. L’héroïne, qui panique à la Bridget Jones parce qu’elle va avoir 30 ans (merci pour moi qui ai un âge bien plus respectable… je suis donc un vieux croûton tout juste bon à mettre au rancart ???) s’est mis en tête de refaire toutes les recettes d’un livre de cuisine censé être le prototype de la cuisine française…. Et alors là j’hallucine !
Quelle image grasse, lourde, compliquée et tarabiscotée de la cuisine française est décrite complaisamment dans ce livre ! Il est bien sûr précisé que le livre en question date des années 1960, mais même à cette époque là, on ne cuisinait pas ainsi ! Heureusement ! La population française serait à l’heure actuelle totalement décimée par de l’obésité, des surcharges pondérales cholestéroliques et diabétiques, des arrêts cardiaques et des problèmes au foie et aux reins dus aux mauvaises graisses saturées (ou insaturées, je ne sais plus… bref à celles qui nous rendent malades !)
D’ailleurs, elle parle à un moment du fameux paradoxe français. Comment les françaises font elles pour rester minces avec des habitudes culinaires telles que celles décrites par Julia Child dans son livre ? Et bien parce que ce livre n’a tout simplement rien à voir avec la vraie cuisine française. A par les titres de recettes…. Ou alors il est le résultat d’une abominable escroquerie à cette pauvre américaine naïve qui a cru apprendre la cuisine à Paris après la dernière guerre, et à qui on a infligé une version réinventée par un cuisinier fou, psychopathe et adepte du gras. A moins que ce ne soit qu’une action de résistance française contre le colonialisme anglo-saxon à la de Gaulle… Ou bien il avait des actions dans une clinique spécialisée dans le traitement des excès lipidiques…. Je ne sais pas… Mais il y a un truc !
Mais, ce qui est sûr, c’est que cette cuisine, compliquée et lourdingue n’a jamais été celle de la France…
Bien sûr, ces recettes ont peut être existé, sans doute, il y a bien longtemps dan des livres de recettes du XIXeme siècle… A une époque où se remplir la panse était une manière de promotion sociale et manifestait avec éclat l’état de sa fortune et sa supériorité face aux pauvres. Etre gros, gras et rubicond était la quintessence de l’arrivisme du Bourgeois, au même titre que les bijoux style arbre de Noël dont il couvrait sa femme dans les dîners. Désormais, c’est plutôt à la voiture (jaguar, mercedes, porsche rouge si possible… ou autres, je ne suis pas très experte en la matière…) ou au blackberry (ou iphone dernière génération) qu’est dévolu ce rôle social.
Le but n’était pas d’apprécier la le raffinement des mets mais de « se faire pêter la panse » et que cela se voit… D’où des plats imaginés par les cuisiniers de l’époque, plus faits pour être montrés (les aspics, les gâteaux décorés à la crème au beurre, la mayonnaise en décoration sur n’importe quoi… et le règne de la poche à douille…) et ensuite engloutis par des gosiers énormes (le produit de base n’a pas beaucoup d’importance, il est inondé de sauce). La cuisine doit faire « riche », sa saveur n’a pas beaucoup d’importance…
Bien sûr, c’est vrai, en tant que petite française, je ne peux nier que j’ai des souvenirs de dîners familiaux interminables au cours desquels on devait manger des tas de choses passablement indigestes et que je n’aimais pas. Un reste de cet esprit bourgeois qui a sévi, à l’époque de mes grand-parents, nés en 1900, et qu’on essayait de manifester dans les grandes occasions, assez rares heureusement.
Il est vrai, aussi, qu’à l’époque, je n’aimais pas grand-chose. Cela devait avoir un rapport avec mon conflit oedipien, mais là n’est pas le propos. Cela dit, j’atteste que jamais, je n’ai vu sur la table familiale les plats décrits par Julie avec leurs kilos de beurre, de crème, leurs sauces dégoulinantes et quasi automatiques ni, Dieu merci, ses préparations au saindoux. Beurk !
Jamais non plus, je n’ai vu ma grand-mère ou ma mère cuisiner plus d’une heure tout compris mêmes les jours exceptionnels…. Ces braves femmes avaient assez à faire par ailleurs pour perdre leur temps à des préparatifs compliqués et inutiles décrits dans le fameux livre… cela ne leur serait d’ailleurs jamais venu à l’esprit, au demeurant.
La cuisine en France, d’après ma petite expérience, qui vaut ce qu’elle vaut, c’est-à-dire pas vraiment grand-chose, est plutôt basée sur deux grands principes : la simplicité et la qualité des produits.
Du coup, les sauces ne sont pas toujours nécessaires et ne viennent que rehausser délicatement le goût d’une viande ou d’un poisson dans une harmonie de saveurs qui permet à tous les ingrédients de s’épanouir. Jamais pour être déjà saturé de gras et de sauce pour masquer l’ingrédient principal. De même pour les légumes, pourquoi les cuire, recuire, blanchir, faire sauter, réduire pour en faire un salmigondis où on a bien du mal à retrouver le légume d’origine ?
Quant aux desserts, foin des crèmes diverses et variées qui squattent littéralement les descriptions du livre. Crèmes au beurre, pâtissières, ménagères, bonne femme et j’en passe… J’en ai mal au cœur rien que de lire ces passages. Lorsque Julia écrit qu’il faut mettre du beurre dans la crème anglaise, ou que tous les desserts ou presque sont à base de crème, j’ai eu des frissons d’horreur dans l’échine. Chez nous, les desserts étaient légers, fruités et simples. Les tartes étaient composées pâte brisées (farine, beurre, 1 jaune d’œuf, eau) sur laquelle on mettait les fruits et un peu de sucre. Le tout au four. C’est super bon.
La bonne cuisine française « de ménage » (pratiquée dans les foyer au quotidien) est plutôt équilibrée, à part quelques plats exceptionnels à base de fromage fondu (fondue savoyarde ou tartiflette) originaires de régions de montagnes où le côté roboratif était important pour se protéger du froid…
Et moi, qui vient du sud de la France, où on fait la cuisine à l’huile d’olive, où on mange beaucoup de fruits et légumes et peu de viande (notre région était une terre de pauvres avant d’être colonisée par les hordes de touristes et de retraités du Nord), j’ai l’habitude d’une cuisine que ne renierait pas les ayatollah diététiques… J’ai des souvenirs de repas préparés par une vieille dame provençale sur sa cuisinière à bois qui étaient à chaque fois un ravissement ! Tarte à la tomate, ratatouille, gigot de 7 heures (on le mettait simplement badigeonné d’un peu d’huile, sel poivre, herbes de Provence et piqué d’ail, dans le four du boulanger après la fournée), tians, daube (cuite 2 jours sur une daubière), brouillades de truffes… et j’en passe. Pas de beurre, pas de saindoux, pas de lard et pas de crèmes…et pas de préparation compliquée, juste un peu de temps et de la douceur…
Une chose encore… faire de la cuisine française et faire l’impasse sur les vins me parait du dernier ridicule. Je ne lui lance pas la pierre, elle est américaine… Elle ne peut pas savoir…Mais prétendre goûter à des « mets » français supposés raffinés en buvant un cocktail sucré est une aberration culinaire et papillaire. Les dites papilles étant assassinées par l’alcool fort et le sucre avant de pouvoir découvrir la saveurs des aliments de l’assiette.
La plupart des plats français ne s’imaginent pas sans leur vin et leur pain… C’est comme un coca sans bulles ou un drapeau américain sans étoiles pour reprendre des images qui peuvent parler à nos amis d’outre atlantique. Pas besoin non plus d’en avaler des litres. Un verre est suffisant.
La cuisine (et pas seulement française) est une alchimie complexe qui doit être comprise dans son ensemble, avec sa portée historique et culturelle. Elle traduit, il me semble, l’esprit du peuple qui l’a produite et en ce sens elle est éminemment respectable. D’ailleurs, la cuisine française n’est pas supérieure aux autres. Il y a des découvertes culinaires absolument délicieuses à faire dans le monde entier (j’ai cependant une réserve pour les insectes genre coléoptères à croquer dans le sud-est asiatique ou les termites africaines grillées, même avec du miel… à moins que ce ne soient les sauterelles qu’on grille avec du miel, je ne sais plus …). Des habitudes à respecter pour comprendre et vraiment entrer dans le vif du sujet : on n’appréciera pas un délicat plat chinois sans les baguettes en bois, on comprendra mieux un plat indien en buvant de l’eau, du thé ou un lassi, plutôt qu’un verre de vin français…
Bon, et bien voilà, j’ai fait ma bougon de mauvaise humeur…
Je vais pouvoir me replonger dans le dit livre avec plaisir et m’amuser des clichés qu’il contient, sans lui en vouloir. Après tout, l’auteur fait montre d’un enthousiasme et d’une ouverture d’esprit face à la cuisine française qui est plutôt sympathique… même si elle est un peu à côté de la plaque… de cuisson (nul comme blague mais ce soir, je fatigue…)
Et moi, cela me convient…
Commentaires récents